Ange Pitou, agent royaliste et chanteur des ruesLa célébrité posthume, conquise par Ange Pitou, le fut par des voies assez exceptionnelles et par des procédés un peu en dehors des méthodes scientifiques.
Le roman et le théâtre remplirent, à son égard, le rôle de la critique historique ; aussi est-ce d'après les données de la légende qu'il est aujourd'hui généralement connu. J'ai pensé que le personnage méritait un plus sérieux examen, et qu'il y aurait intérêt à séparer ici la fable de la réalité. Ma curiosité n'a pas été déçue, et les faits sembleraient même avoir justifié mes prévisions, car la vérité est apparue plus surprenante encore et aussi romanesque que la légende. Chez Ange Pitou, ce qui sollicite d'abord l'attention et facilement attire la sympathie, c'est le côté pittoresque et original. Il n'est, certes, pas banal, ce petit chanteur des rues, qui conspire en plein vent contre le Directoire, fronde avec entrain les pouvoirs établis, aux applaudissements d'une foule idolâtre, et ne craint pas de crier tout haut ce que chacun pense tout bas. Adopté par le public parisien, il bénéficie rapidement du plus prodigieux des engouements : chaque soir, on le voit attirant en foule la société élégante et le populaire sur cette place Saint-Germain-l'Auxerrois, où il a établi ses tréteaux, et où il donne un tel attrait à ses séances que le genre est d'y aller comme à l'Opéra et que de belles mondaines y dépêchent leurs domestiques, sept heures d'avance, pour leur retenir des places ! Mais ces dehors excentriques dissimulaient un personnage plus compliqué, et le chanteur se doublait d'un agent royaliste entreprenant et résolu. Ce côté-là avait jusqu'alors échappé à l'attention des historiens, qui tenaient, en général, Ange Pitou pour un fantaisiste et un amusant irrégulier.. Quand le gouvernement de la Restauration, qui avait tant de raisons et d'intérêt à lui dénier cette qualité, était, par la force même des choses, contraint de le reconnaître « pour un des agents spéciaux qui avaient tenté avec le plus de zèle, d'efforts et de périls, le rétablissement du gouvernement légitime en France pendant l'administration anarchique de la Convention et du Directoire », comment pourrait-on contester son rôle politique et refuser de voir en lui un agent royaliste très actif, et même, à un moment donné, l'un des bailleurs de fonds du parti ? S'il conspirait dans la rue avec ses chansons, il conspirait aussi dans l’ombre, et nous le verrons tenir cet emploi occulte, sans peur ni défaillance, sous la Convention et le Directoire, attaquant les Jacobins dans les journaux où il collaborait, bravant et bernant le tribunal révolutionnaire, risquant cent fois sa vie, couchant aussi souvent en prison que chez lui, travaillant en plein Paris et avec une incroyable audace à l'armement de la Vendée, corrompant les administrations et la police, achetant de ses deniers personnels la commutation de peine des commissaires royaux, enfin avançant à Pichegru 60,000 francs au 18 fructidor. A ce double titre, Ange Pitou sollicitait donc l'attention, et par lui-même le personnage méritait d'être plus exactement connu et mis dans son jour véritable. Dans le monde spécial des journalistes, Ange Pitou devait avoir une réputation assez bien établie d'écrivain spirituel, puisqu'en mars 1791 on le voit entrer au célèbre Journal des Mécontens. Ce double métier de journaliste et d'agent royal ne suffisant pas à sa prodigieuse activité, bénévolement il y joignit, pour le service du roi, les fonctions d' « observateur » et de garde national. Dans des temps ordinaires, opérant pour le compte du pouvoir, « observateur » révolutionnaire n'aurait, dans notre langage politique actuel, d'autre équivalent que celui de « mouchard » ; mais en ces années d'hostilités civiles, la fonction était relevée par les périls dont était menacé son exercice. Le mot, au reste, ne sonnait pas aussi mal qu'aujourd'hui, et ces observateurs royalistes, ces éclaireurs, comme on pourrait les nommer, formaient ce que, dans une armée, on appelle le service des renseignements. Ce fut également au début de 1791 qu'Ange Pitou entra dans la garde-nationale : l'intrigue venait de s'y glisser à l'occasion de l'obtention des grades d'honneur et, habilement, des royalistes s'y étaient introduits, moins pour faire oeuvre dissolvante, que pour avoir, le cas échéant, les moyens de défendre effectivement la monarchie. Grâce à ces divers avatars, notre personnage put voir de près les grands événements révolutionnaires, et comme un bon journaliste doit toujours avoir ses tablettes sur lui, il fut ainsi à même de noter des faits intéressants. Le 20 juin 1792 — rapporte-t-il — j'étais réuni aux braves qui reçurent la Reine dans la salle du petit billard : « Sauvez-nous, sauvez-nous! » s'écrie-t-elle. Elle tenait le Dauphin dans ses bras et la jeune princesse était à ses côtés; la haie se forme autour de la Reine. L'attitude imposante de la souveraine, la tenue des grenadiers et des autres troupes, secondées des vrais amis du trône, déconcertent les clubistes. Ils vomissent quelques injures, font flotter sur nos têtes les signes de la rébellion. C'étaient un bonnet rouge, une culotte déchirée, un cœur de bœuf tout sanglant, percé de plusieurs coups de couteau. La population provoque la garde : un regard et un silence expressifs font taire les plus mutins. Quelques-uns ayant jeté le bonnet rouge sur la tête de Mgr le Dauphin, furent improuvés par des artisans qui les avaient suivis dans un moment d'ivresse : les fumées du vin étant dissipées, ces hommes ne se trouvaient plus à leur place. Santerre, qui s'aperçoit de la défection de son parti, fait ôter le bonnet de dessus la tête de Mgr le Dauphin. C'est alors que le Roi dit à M. Acloque. « J'ai fait le sacrifice de ma vie; mettez la main sur mon cœur et voyez si je suis calme. » Dans ce moment le brave Philidor mordait le canon de son fusil, de rage de ne pouvoir venger le trône et la famille royale; mais Louis, d'un clin d’œil, contenait le zèle, peut-être indiscret, de ses véritables défenseurs. Jusqu'à 6 heures du soir, la tourbe hurlant demande au Monarque la sanction du décret contre les émigrés et les prêtres insermentés : « Ma sanction serait nulle en ce moment, répondait le Roi; on dirait que j'ai cédé à la force. » Fernand Engerand |
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